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 please remember me. (gemma)

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Sukie Bowden
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Sukie Bowden

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please remember me. (gemma)    Mer 1 Avr - 15:57

please remember me.
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(musique d'ambiance pour se mettre en pls.)

Il est sept heures du matin, et je n'ai pas fermé l’œil de la nuit. J'ai été incapable de trouver le sommeil, trop occupée à essayer de l'imaginer, elle. J'ai beau insister, le film de son arrivée s'interrompt toujours au moment où le cargo accoste. Je suis là, sur le quai, et la silhouette de Gemma reste floue, insaisissable. Comment marchera-t-elle, est-ce qu'elle aura changé, adopté un nouvel accent, acheté des vêtements plus beaux, est-ce qu'elle me reconnaîtra, d'abord ? Je me perds en conjectures, et mes pensées finissent par former, au plafond de ma chambre, une spirale, ou plutôt un labyrinthe, car tous les chemins qu'emprunte mon esprit finissent inlassablement par un cul-de-sac. La page n'est pas blanche ; elle est vide, comme une photographie dans laquelle on aurait découpé un visage. Je ne sais pas, je ne peux pas savoir, et ça me terrorise.
Il est sept heures du matin et elle arrive dans quatre-vingt-dix minutes, alors je me lève péniblement, le corps las, fourbu de cette nuit passée à nouer mon cerveau de mes angoisses, et fébrile à l'idée de nos retrouvailles.

Quand j'émerge, mon père est déjà parti, et je prends mon petit-déjeuner seule face à une chaise vide. J'avale difficilement une biscotte et une tasse de thé, laissant flotter mes pensées jusqu'au pont du bateau sur lequel s'est embarquée Gemma, il y a ce qui me paraît une éternité. Elle m'avait annoncé son départ sur ce ton sans appel que j'ai toujours admiré chez elle. Je n'ai rien pu répondre, seulement la voir partir.
J'avise l'horloge : je devrais déjà être en train de me diriger vers l'embarcadère et pourtant je prends mon temps. Je ne veux pas manquer son amarrage, mais je n'ai pas non plus envie d'attendre avec toute sa famille. Ils me relatent toujours les bribes d'informations qui arrivent jusqu'à eux, se délectent de ces nouvelles qu'ils distillent à qui veut bien les écouter, sans savoir qu'elle m'adresse des lettres, à moi aussi. M'adressais, plutôt, car les correspondances se sont espacées. Je ne peux lui en vouloir, je n'ai pas été très assidue et j'ai toujours tardé à répondre (mes histoires de pommes de terre et de sorties en mer m'ont semblé bien dérisoires, et je n'ai jamais été douée avec les mots). Pourtant, j'écoute toujours avec un semblant d'attention les récits que me font ses proches, sans jamais avoir osé leur dire que je sais déjà ; je les laisse à leur bonheur de se sentir privilégiés, et je garde pour moi les mots précieux qu'elle m'envoie.

Je finis par me mettre en route. Au bout du chemin, à l'entrée du port, je repère les silhouettes se dessinant sur le ciel blanc en ombres chinoises. Nombreux sont ceux qui viennent accueillir le passage mensuel du navire, suffisamment rare pour être attendu. Je les salue et me poste avec eux, les mains dans les poches, ma capuche vissée sur la tête pour me protéger du vent. Au loin, le point noir s'approche. J'imagine Gemma à l'avant du bateau, retrouvant l'île - son île - pour la première fois. Je frissonne, sans bien savoir si c'est l'effet du souffle froid ou de l'appréhension (je crois que c'est un peu des deux). Peu à peu, l'imposant cargo prend forme, jusqu'à s'installer à la place qui est la sienne dans le port. Les premiers passagers descendent, et un peu derrière eux, je la vois. Mon regard croise celui de mon amie qui descend, les bras chargés de bagages, et je sais que je devrais me précipiter pour l'aider mais je reste là, figée.
Gemma Osborne
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Re: please remember me. (gemma)    Mer 8 Avr - 19:43

Elle se tient là, au milieu du néant, fidèle à elle même, immuable. L’île de Tristan. Je ne m’attendais pas à ce que la silhouette de Queen Mary’s Peak me mette dans cet état ; ça ne fait qu’une petite année que je suis partie. Je savais que j’y reviendrais, un jour ou l’autre. Triomphante, souriante, peut-être même avec un diplôme sous un bras et un fiancé sous l’autre. On a le droit de rêver. Je sens mes entrailles se tordre, la nausée monter : je n’ai pas dormi de la nuit mais je serai bien incapable de fermer l’oeil, à présent ; je n’ai rien mangé depuis hier soir mais l’idée d’ingurgiter quoi que ce soit m’est insurmontable. Il est encore tôt mais le ciel est étonnamment dégagé ; c’est ce qui me permet de voir le volcan se découper sur ma ligne d’horizon, à travers la vitre. Je voulais aller sur le pont pour tout voir, tout vivre, me prendre pour l’héroïne d’un film, mais cette couche de plexiglas est la seule chose qui me sépare de ma nouvelle réalité, à présent. Voir les côtes, puis les contours de Calshot Harbour, puis les silhouettes de mes parents… pourquoi est-ce que ça me semble si difficile? Mon ventre se serre un peu plus. Trente minutes. Il me reste trente minutes.

Je ressasse mon petit récit, le même que j’écris et que je réécris dans ma tête depuis que nous avons quitté Le Cap il y a six jours. Certains soirs, j’ai eu envie de tout envoyer balader : Gemma, dit la vérité, dit les choses telles que tu les as vécu, telle que tu les as vu. De quoi t’as peur, au juste? Et puis d’autres jours, les mots étaient si joliment assemblés que j’arrivais même à me convaincre moi-même. Londres était incroyable! Papa tu aurais détesté. Maman, regarde, je t’ai trouvé ces chocolat que Lily t’avais ramené la dernière fois! J’arrive parfaitement à me représenter le sourire sincère mon père, l’excitation de ma mère, et les larmes me montent aux yeux sans que je puisse y faire quoi que ce soit. J’ai besoin d’air.

Un pas, puis deux. C’était pas si compliqué. Je remplis mes poumons de cet air familier, et ça me réconforte brièvement. Il n’a pas le même goût que l’air marin de Brighton ou de Plymouth ; peu importe ce qu’on pu en dire Liv et Jamie. Merde, je m’étais promis de pas penser à lui. Mes doigts fouillent dans mon petit sac à dos en cuir — très mignon mais bien peu pratique. Je me mets soudain à douter de la tenue que je porte. Je me suis changée trois fois ce matin, pourtant. Jack va se moquer de mon col roulé, j’en suis sûre. Est-ce que maman va remarquer que je me suis faite percer à nouveau les oreilles? J’ai conscience de tenir à distance la personne dont l’avis est le seul qui compte réellement : est-ce qu’elle trouvera que j’ai changé, Sukie?

J’écarte cette interrogation rapidement, atteignant enfin l’object convoité au fond de mon sac. J’extirpe le paquet de Marlboro Light. Il ne reste qu’une cigarette à l’intérieur : je l’avais réservé à ce moment précis. Il doit me rester dix minutes tout au plus avant le débarquement. Make it last.

La scène a quelque chose d’absurde, presque pathétique, mais j’y tiens. Mes cheveux sont malmenés par le vent sur le pont du cargo, alors que je m’acharne avec mon briquet sur la cigarette. Elle s’allume enfin, et j’essaie de la faire durer le plus longtemps possible, acceptant le ridicule naïf de sa symbolique. Une fois l’opération terminée, je retourne dans la cabine, abandonne discrètement le briquet sous un banc et prend la direction de ma chambre, où m’attendent mes bagages.

Je vois mes parents au loin avant qu’ils me reconnaissent. Ca ne dure qu’une demi-seconde ; juste assez pour voir leurs visages s’illuminer simultanément. C’est plus fort que moi : mon sourire s’étire d’une oreille à l’autre sans que j’arrive à me contrôler ; s’en est presque douloureux. Je dois avoir l’air d’une dérangée. Les retrouvailles sont chaleureuses, enthousiastes, faites d’éclats de voix et des observations sarcastiques de rigueur. Ma gorge reste serrée, mais mon estomac se dénoue un peu. Est-ce que l’odeur du parfum de sa mère, ça nous fait cet effet toute notre vie? Heureusement qu’elle n’a pas pleuré. Et que je peux toujours compter sur mon frère pour désamorcer les moments d’émotions trop intenses par une remarque bien sentie.

J’ai repéré sa silhouette du coin de l’oeil, au loin. Elle a gardé ses distances. Je me persuade que c’est sa pudeur naturelle, mais elle et moi savons très bien que c’est un peu plus compliqué que ça. Mon père et mon frère empoignent mes bagages tandis que ma mère passe un bras autour de mes épaules. J’ai envie d’enfouir mon visage dans son cou, comme quand j’étais une petite fille, mais Sukie m’attend. Nos retrouvailles : l’angle mort de mon petit récit, le trou dans ma narration. Est-ce que je saurais lui mentir, à elle?

Nous arrivons à sa hauteur, et elle ose un pas dans notre direction. Ma mère défait son étreinte et part rejoindre mon père et Jack qui sont déjà à une cinquantaine de mètres. Ca y est, nous y sommes. Je range nerveusement mes cheveux emmêlés derrière mes oreilles, tentant de dissimuler un sourire qui ne sait plus trop quelle forme prendre. « I didn’t know if you’d be here, waiting for me. » L’aveu est lâché. Je sens mes larmes refaire surface, et je me déteste de me sentir tellement à fleur de peau. D’ordinaire, pour cacher ma gêne — non, je ne suis pas une pleureuse! — je l’aurais prise dans mes bras. Là, à la place, je tourne la tête en direction du cargo, mastodonte amarré au bout de l’embarcadère. « Or maybe you were waiting for your peanut butter delivery? » j’ajoute, en forçant un rire dans ma voix.
Sukie Bowden
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Re: please remember me. (gemma)    Sam 11 Avr - 18:57

Je la regarde, entourée de sa famille, et je m'interroge soudain sur la pertinence de ma présence ici.
Je les entends encore m'interpeller à chaque fois que nous nous rencontrions, pour m'asséner une des nombreuses anecdotes sur leur fille prodigue. Tu savais qu'elle adorait mon ragoût ? Le meilleur de l'île, qu'elle disait. Sûrement qu'elle n'en mange pas du comme ça, là-bas. Ils m'avaient invitée chez eux, même après son départ, voyageant avec moi - à travers moi - dans l'adolescence de Gemma. Mais c'est du passé, je le sais, car l'objet de toutes leurs attentions est de retour. Je lui ai souvent envié cette famille pleine d'espoirs et d'enthousiasme, sans vraiment oser me l'admettre. Je n'ai pas le droit d'être jalouse, et personne n'y est pour rien. Ni Gemma, ni mon père bien sûr, qui fait déjà tant pour moi. Je laisse cette pensée flotter un instant, en apesanteur. Je ne m'y accroche pas, mais je ne la chasse pas non plus ; elle ne fera qu'être remplacée par mille autres, alors je la regarde simplement s'envoler, doucement, sans la brusquer.
Mon ventre est toujours noué par l'appréhension qui le serrait déjà, avant même le débarquement du cargo.

Maintenant qu'elle est là, pourquoi ne suis-je pas apaisée ? Elle ne paraît pas si différente, je pense, profitant de ses étreintes pour l'observer davantage. Gemma ne m'a pas encore vue et je détaille sa silhouette, tant que possible, alors que mon regard ne risque pas de croiser le sien. Inconsciemment, je me laisse aller à un examen complet de tout son être, portant finalement mes yeux sur ses vêtements. Elle porte une jupe en jean accompagnée de collants d'apparence fine, bien loin de la laine que nous mettons ici. Rien de bien confortable, à mon avis.
Gemma et moi avions les mêmes goûts sur de nombreux sujets, mais le style vestimentaire n'en a jamais fait partie. Je me souviens des après-midis qu'elle pouvait passer à feuilleter des magazines bardés de photographies de gens que l'on ne verrait jamais en vrai (existent-ils vraiment ?), découpant robes à sequins et boucles dorées, qu'elle rassemblait ensuite sur des feuilles à carreaux où prenaient vie ses mannequins. Je la regardais faire, perplexe, avant de replonger dans l'un des livres d'ornithologie que je dérobais dans la bibliothèque de mon père.
Rien de surprenant, donc, à ce qu'elle soit ainsi vêtue. Et pourtant, ça parvient à m'atteindre, moi et mon ciré bleu marine, moi et mes bottes épaisses, moi et mon chignon hirsute. J'ai l'impression que cette différence vient élargir encore un peu plus le fossé qui s'est dessiné entre nous ; je me trompe peut-être.

Je détourne mon regard quand elle pose le sien sur moi, mais du coin de l’œil, je la vois une forme qui s'approche, et je sais que la voilà. Je reste plantée là, tandis que sa mère s'éloigne. Nous sommes toutes les deux, pour la première fois depuis un an. Je lâche un sourire embarrassé, finalement plus troublée par ma propre présence ici que par la sienne. Comme si, soudain, je ne savais plus vraiment ce que je faisais là.
« I didn’t know if you’d be here, waiting for me. » lance Gemma, et je la remercie secrètement d'avoir été la première à parler -- je ne suis pas sûre que j'en aurai été capable. Je vois dans ses iris fuyants qu'elle n'est pas plus à l'aise que moi, pourtant. Elle poursuit par une plaisanterie, et je force mon rire, moi aussi. « Yeah, well... Must have gotten the wrong boat, then. » je réplique haussant les épaules, me prêtant au jeu tant bien que mal.

Les mots sont confus, dans mon esprit, et aucun ne semble capable de franchir la barrière de mes lèvres. « So... you're back, uh ? For good ? » je lâche avec un sourire, me blâmant presque immédiatement de cette remarque que je juge, a posteriori, idiote.
Je ne sais pas quoi lui dire. Je voudrais tant lui dire.
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